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sur moi !… Mais, non ! mais, non ! Toutes ces images sont trop affreuses, et pourtant, oui, Valerio  ! Elles sont toutes vraies  ! Je commence à comprendre l’idée qui m’a saisie  !

— Explique-la moi, explique la vérité  ! s’écria le jeune homme en lui serrant les mains, en lui pressant la tête contre sa poitrine. Dis-moi tout pour que je te console.

— Eh bien ! Oui, la prison, le désert, le tombeau, tout cela est vrai ; je me sens prise…, Valerio, il faut que je m’en aille d’ici ! j’ai tout regardé, j’ai tout vu, j’ai été amusée, charmée, ravie, je ne le nie pas ! mais, soudain, je viens de m’apercevoir que nous sommes seuls, absolument seuls, au milieu d’un monde qui nous est étranger.

— Comment ! Tu as peur ? De quoi as-tu peur ? Tu imagines un danger ?

— Je n’imagine que ce que je vois  : cette solitude morale, absolue, sans contraste, qui s’épaissit autour de nous… Peur ? Je n’ai pas peur ; ou, du moins, je n’ai pas précisément peur… mais, au premier abord, je ne voyais, je ne comprenais que la superficie des choses et l’apercevant comme elle est, bariolée et mouvante, je m’en amusais et ne supposais pas le dessous. Mais, maintenant, prends-tu garde toi-même que nous sommes entourés par l’inconnu, par l’étrangeté incommensurable, sans bornes ? Que tout ce que nous approchons, nous regarde comme nous le regar-