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s’était réveillée sous l’impression d’un malaise indéfinissable et, pour la première fois, depuis son mariage, elle se sentit triste, mais triste jusqu’à la mort. Elle ne se rendait compte de rien, elle ne savait rien, elle ne sentait rien de particulier ; pourtant elle se mit à pleurer, sans le vouloir, presque sans le savoir et peu à peu, les pleurs la suffoquant, elle se mit à sangloter tout haut, et Valerio réveillé, la trouva cachant sa tête dans ses bras et ne cherchant plus même à maîtriser une sorte de désespoir.

La surprise du jeune mari fut extrême ; son épouvante ne le fut pas moins. Il prit sa femme dans ses bras  :

— Qu’as-tu, Lucie ? lui dit-il.

Elle ne pouvait répondre ; elle pleurait trop. Elle se serrait sur le cœur qui lui appartenait, mais cette consolation qu’elle y cherchait, cette sécurité qu’elle y trouvait, ne pouvaient pourtant réussir à la calmer.

— Je ne sais ce que j’ai, disait-elle d’une voix entrecoupée ; je suis bien malheureuse !… Je cherche moi-même ce qui m’accable, car, je le sens, je suis accablée… Il me semble que je suis dans une prison… que toutes les portes sont fermées sur moi… Non  ! ce n’est pas cela  !… Il me semble que je suis perdue dans un désert et que les sables sans fin se succèdent et que je ne m’en échapperai jamais !… Non ! Ce n’est pas cela encore  ! Il me semble que je suis enfermée dans une tombe étroite et que la pierre en est scellée