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ne pas rester campé auprès d’elles. Ce sont les caravanes sacrées, dont les mulets, les chameaux, les chevaux portent, au lieu de marchandises, des bières avec leurs morts, que l’on va enterrer dans quelque ville sainte ; à Meshèd, à Goum, à Kerbela. Ces caravanes ne sont, d’ailleurs, pas plus tristes que les autres. On y chante, on y rit, et on s’y amuse tout autant. À la vérité, les conducteurs en sont de vertueux tjaoushs avec leurs, vastes turbans, des moullas vénérables pourvus de coiffures non moins sérieuses ; les versets du Koran sont fréquemment récités ; mais on ne peut pas prier toujours, et, dans les intervalles qui sont nombreux et longs, le plus austère directeur ne se refuse pas à entendre, ni à faire un bon conte. Quand on arrive à la station, le turban est mis de côté, et en caleçon et bonnet de nuit, on se met à son aise ; on loue Dieu de ce qu’il a créé l’eau-de-vie. Cependant, les fils respectueux, les frères dévoués, ont pris sur le bat du mulet le corps de leur regretté parent ; on a mis les caisses funèbres les unes sur les autres, en tas, ou bien encore on les a laissées où elles sont tombées ; on les ramassera le lendemain, et, si l’on se trompe de coffre, en définitive, chaque défunt aura finalement la même couche funèbre sous la protection et dans le voisinage de l’Imam. Tout irait pour le mieux, si l’odeur qui s’exhale de ces cadavres mal empaquetés n’était pas, en elle-même, désagréable et tenue, assez généralement, pour malsaine ; c’est là