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— Mais du même coup, vous avez perdu les avantages correspondants.

— Et dont je ne me soucie point, s’écria Sèyd-Abdourrahman avec un geste de mépris. En revanche, il n’est pas de contrée habitée par des musulmans qui me soit inconnue. J’ai vu les cités les plus illustres et les lieux dont parle l’histoire ; j’ai conversé avec les savants de tous les pays ; j’ai réuni l’ensemble de toutes les opinions reçues en un lieu, contestées dans un autre, et, somme totale, je ne peux plus douter que la plus grande partie des hommes valent un peu moins que des grains de sable, que les vérités sont des faussetés, que les gouvernements sont des arsenaux de scélératesses, que les quelques sages répandus dans l’Univers existent, seuls, d’une manière véritable et que Dieu très-haut et très-grand, qui a créé cet amas de boue et de turpitudes où brillent si peu de paillettes d’or, a dû avoir, pour agir ainsi, des motifs que nous ne connaissons pas et dont l’apparente absurdité doit recéler certainement des causes d’une profondeur adorable.

— Amen ! murmura Redjèb-Aly, qui n’avait pas compris le premier mot à cette tirade, sinon que tout respect était rendu au Créateur des mondes. Quant au poète, il cherchait une rime au mot perdre, et le Shemsiyèh souriait avec une certaine ironie qui fût remarquée par Sèyd-Abdourrahman, lequel se tourna vivement de son côté et le prit à parti en ces termes  :