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les raconter à quelqu’un qui pourrait les écrire ; ce serait assurément un livre intéressant.

— Le livre est fait, dit madame Euphémie Cabarra, et elle tira de sa poche un petit volume in-12, imprimé sur gros papier commun en caractères peu élégants. Elle l’offrit à Valerio, qui regarda la première page. On y lisait  :

« Les Aventures originales et véridiques d’une dame de Trieste dans les nombreux voyages qu’elle a exécutés toute seule en Turquie, en Perse, dans le pays des Turcomans et dans l’Inde, pour la plus grande gloire de Dieu et le triomphe de la Religion. »

Valerio regarda çà et là, il ne lut absolument rien qui eût trait aux pays visités par l’auteur ; tout consistait en une série d’anecdotes relatant d’innombrables occasions, où la vertu de madame Cabarra avait couru les plus grands périls, et d’où elle était sortie pure comme cristal et absolument triomphante. À dater de ce moment, une personne si respectable s’attacha à Lucie et à Valerio, et, moyennant un petit salaire, se chargea de faire leur cuisine.

Au bout de quelques jours, Valerio découvrait encore dans le camp un autre Européen. Celui-ci était un tout jeune homme, venant de Neuchâtel, en Suisse. Il s’était épris de l’Orient sur la lecture des livres des voyageurs et faisait des vers. Il voulait, disait-il, s’inspirer aux sources même de l’exaltation