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était entouré de quelques cavaliers aussi graves que lui, soit des moullas, soit des marchands de considération. Ce groupe respectable était évidemment l’objet du respect général. Ici des négociants couraient en faisant avancer leurs montures ; plus loin c’étaient des gens assez richement vêtus appartenant à d’autres professions que le commerce, soit qu’ils fussent employés du gouverneur, ou militaires, ou propriétaires terriens. Puis il y avait la foule, le plus souvent marchant à pied, causant, gesticulant, riant, se portant de côté et d’autre ; quelquefois un de ces hommes disait à un muletier  :

— Frère, voilà une bête qui ne porte rien. Puis-je monter dessus ?

— Oui, répondait le muletier ; que me donneras-tu ? Le marché se débattait en cheminant et l’homme payait et se prélassait sur la bête. Puis les femmes, qui se tenaient à part, allaient, faisaient un bruit beaucoup plus grand que les hommes. C’étaient des pépitements, des rires, des cris, des fureurs, des peurs, des adjurations qui n’avaient point de fin, et les enfants y joignaient de temps en temps des hurlements aigus. On voit cette masse, et les chameaux, et les chevaux, et les mulets, et les ânes, et les chiens, et les gens refrognés, et les élégants, et les prêtres, et les musulmans, et les chrétiens, et les juifs, et tout, et le tapage on l’entend. La foule marchait en avant, marchait avec lenteur ; mais, en même temps, semblait