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trois ans pour être transféré comme ministre dans une cour secondaire. On l’avait fait revenir ; il avait été kaïmakam à Beïbourt, et depuis un an, il était pacha d’Erzeroum. C’était un homme de bonne compagnie, médiocrement musulman, mais, en revanche, nullement chrétien ; sa confiance dans l’avenir de son gouvernement et de son pays ne s’étendait pas loin ; il croyait peu au mérite et surtout à la réalité des réformes ; mais il croyait avec force à la nécessité de rendre sa position personnelle la meilleure possible. Ses habitudes européennes n’avaient nullement étouffé ses instincts asiatiques ; ceux-ci, à leur tour, ne cherchaient pas à trop réagir contre l’acquis et l’éducation. Il aimait les soins délicats de la toilette, bien qu’il ne fût plus jeune ; il avait le goût des fauteuils et des meubles de Paris ; il s’entourait volontiers d’albums et surtout tenait à ce que sa table fût servie comme s’il avait vécu en plein faubourg Saint-Honoré. À cette fin, il entretenait un cuisinier et un maître d’hôtel français. Il était aussi abonné au Siècle et au Journal illustré. Bref, Osman Pacha se montrait homme de goût, avec quelques défectuosités ; la dorure n’avait pas pénétré dans l’intérieur du métal kurde.

Depuis plusieurs années, ce personnage supérieur s’était marié, et comme il avait sagement compris qu’une fille Osmanli de bonne maison n’apporterait dans son intérieur que des habitudes à la mode ancienne sur lesquelles lui-même n’était nullement