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son fils, avait attaqué le premier ; quelques passants avaient pris parti, des coups de mousquet et des coups de sabre avaient été échangés de part et d’autre ; les marchands, comme à leur ordinaire, et surtout les marchands hindous, s’étaient répandus en cris de détresse, et on eût cru, au bruit de la mousqueterie et au cliquetis des lames, et surtout aux clameurs aiguës qui se poussaient, que la ville était mise à sac. Il n’y eut pourtant personne de tué, et quand les gens du juge de police eurent réussi à séparer les combattants et à les renvoyer chacun de leur côté, il se trouva que les deux partis s’étaient à peine fait quelques égratignures. Cependant cette rencontre ne resta pas sans conséquences. Elle ébruita le fond de l’affaire. On sut par toute la ville que Mohsèn Ahmedzyy avait enlevé Djemylèh, sa cousine, et que les Mouradzyys leur avaient donné asile ; mais que le Prince ordonnait de livrer les coupables au père offensé. Là dessus, il y eut de grands partages dans les opinions. Les uns vinrent offrir leurs services à Mohammed, d’après cette opinion qu’un homme d’honneur doit toujours soutenir et protéger les amants ; les autres furent d’avis qu’au fond il n’y avait là qu’une continuation de la querelle des Ahmedzyys et des Mouradzyys, et que, puisque Mohammed et son fils se liguaient avec les seconds, c’est qu’ils trahissaient leur famille. Sur un tel raisonnement, ces logiciens embrassaient la cause du véritable et fidèle Ahmedzyy,