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nécessité de les en arracher, il ne le pouvait faire. Akbar, volontiers, aurait poignardé Mohsèn, mais il ne lui était pas difficile de s’en retenir ; l’affection et l’estime qu’il avait conçues pour lui dans le quartier désert en le voyant tenir tête si valeureusement à tant de gens acharnés à la perte du jeune homme, lui étaient restées devant les yeux, et, sans peine, il avait écouté la voix de sa mère, compris et accueilli les regards de sa sœur et de sa femme, de sorte qu’il était tombé d’accord avec son honneur que toucher du bout du doigt les deux Ahmedzyys, dans l’intention de leur nuire, serait une honte dont sa maison ne se rachèterait jamais. Mais c’était peu qu’il en fût convaincu ; tant que son père ne l’était pas, il n’avait pas même à donner un avis.

Abdoullah regardait Mohsèn et Djemylèh fixement, et, l’un et l’autre, le regardaient de même. Ils n’imploraient pas, ils ne demandaient rien. Ils avaient sur lui un droit et l’exerçaient. Ce droit, il est vrai, était de ceux que les âmes nobles permettent seules de prendre sur elles ; les âmes viles n’en connaissent rien. C’est précisément ce que les yeux des deux captifs disaient à Abdoullah. Du moins, il le comprit ainsi. Il se leva, marcha droit à eux et leur dit :

— Vous êtes mes enfants !

Et il les embrassa sur le front. Ils lui baisèrent les mains avec respect et allèrent remplir le même devoir auprès de la femme du chef, en s’agenouillant de-