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et il existe d’illustres exemples de l’empire exercé par cette coutume sur des âmes excessivement difficiles à attendrir. Mais l’honneur étend encore plus loin, s’il se peut, ses exigences, et veut que, lorsque des amants fugitifs réclament l’appui de l’homme le plus étranger à leur cause, cet homme, s’il se pique de vaillance et de générosité, ne puisse décliner son aide et devienne le soutien de ceux qui ont assez bien pensé de lui, pour le choisir comme champion. Encore, en cette circonstance, l’inimitié antérieure ne change rien au devoir ; elle doit cesser, elle doit être mise en oubli, au moins pour un temps, et plus les dangers sont grands à embrasser la querelle des amants poursuivis, plus l’obligation de tout braver est étroite. Il est connu dans l’Inde, en Perse et dans le pays de Kaboul, de Kandahar et de Hérat, que la majeure partie des discussions et des combats entre les familles et les tribus afghanes, et souvent des haines héréditaires terriblement ensanglantées, n’ont pas eu d’autre origine que le secours donné et maintenu à des amants malheureux.

Tout cela est certain. Néanmoins épargner ce qu’on déteste, quand, une fois, on le tient, secourir ce qu’on hait, pardonner par point d’honneur, ne sont pas choses faciles, et, lorsqu’il faut s’y soumettre, on hésite. Le silence régna quelque temps dans le salon du harem d’Abdoullah-Khan. Lui, sentait mille serpents ronger son cœur et, reconnaissant enfin la