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mais, s’ils étaient toujours étonnés, ils n’exprimaient rien d’hostile. La charmante figure de Mohsèn n’indiquait pas un fou, encore moins un insolent, et Djemylèh, qui venait de jeter son voile, était si jolie, si digne, si noble dans toute sa contenance, qu’un sentiment de compassion, de sympathie, d’affection commençait à naître dans les yeux de celles, dont on implorait le secours, et qui n’avaient pas encore pu trouver la force de dire un seul mot, quand, par deux portes, Abdoullah-Khan et Akbar entrèrent dans l’appartement.

Le premier, un vieillard, à l’air sombre et préoccupé, arrivait par hasard. Il entrait chez sa femme et venait voir sa fille et sa bru. L’autre, d’abord confondu par l’action inouie de Mohsèn, courait après lui, résolu à châtier ce qu’il avait quelque droit de considérer comme monstrueux. Voyant son père debout devant la porte, et là, sur le tapis, prosterné, Mohsèn aux pieds de sa mère, il s’arrêta.

— Qu’est cela ? demanda Abdoullah-Khan.

— Madame, dit Mohsèn, tenant toujours de ses deux mains la robe de sa protectrice, madame, je suis un Afghan ; je suis noble ; j’aime cette femme qui est à mon côté ; elle m’aime ; son père est l’ennemi du mien ; nous nous sommes enfuis ; on veut nous tuer ; je veux bien mourir, mais non pas qu’elle meure, ni qu’on la maltraite, ni qu’on l’afflige… Madame, on nous poursuit, on nous épie, votre noble fils nous a sauvés