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adversaires. D’abord la rapidité, la violence, le succès de son attaque les avait jetés dans la défensive et ils en étaient tellement abasourdis qu’en eux-mêmes ils se demandaient si, vraiment, Mohsèn était seul. Ensuite, Osman-Beg avait donné l’ordre de le prendre vivant ; on n’irait donc pas le frapper, et, tandis que ses coups à lui portaient et portaient dru, on se contentait de le serrer, ne se fiant pas à l’approcher de trop près et on ne comptait que sur sa fatigue pour le mettre à bas. Il était loin encore de cette extrémité ; ses forces semblaient s’accroître à chaque coup porté à droite et à gauche. Cependant, le calcul d’Osman-Beg se fût à la longue trouvé juste. L’épuisement serait venu pour le brave combattant. Par bonheur, un incident, sur lequel personne ne comptait, vint changer bientôt la face des affaires.

Mohsèn, en tuant le nayb, en blessant son cousin, en en atteignant bien d’autres, avait poussé devant lui tous ses assaillants et ceux-ci embarrassés de tenir pied continuaient à reculer, si bien que, sans le vouloir et sans le prévoir, ils sortirent tous ensemble des ruines et se trouvèrent sur le bord de la rue. La population s’assembla pour juger des coups avec l’intérêt extrême qu’une affaire de ce genre excite en chaque pays, mais surtout parmi des gens aussi belliqueux que le sont les Afghans. Un intérêt très-prononcé se manifestait dans la foule pour le beau et brave jeune homme, malmenant d’une façon si rude et et