Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/342

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Djemylèh approuva le plan que venait de lui exposer son jeune protecteur, et ils se mirent en route. Ils commencèrent bientôt à entrer dans les décombres. Ils franchirent plusieurs murailles. Quelques serpents et des bêtes venimeuses fuyaient, çà et là, devant eux ; mais ils ne s’en inquiétèrent pas. Ils avaient une impression générale de méfiance et regardaient autour d’eux ; mais ne se doutaient pas qu’ils étaient découverts et ne sentaient pas sur eux les regards de l’espion.

Ils arrivèrent de la sorte jusqu’au caveau où le nayb d’Osman les avait vus entrer. Après un instant, Djemylèh, qui avait posé sa tête sur les genoux de Mohsèn, s’endormit d’un sommeil profond, résultat naturel de sa grande jeunesse et de l’épuisement de ses forces, et, pendant quelques minutes, son amant subit la même influence. Mais, tout à coup, il se réveilla complètement. Un malaise indéfinissable chassa, pour lui, jusqu’à l’apparence de la lassitude. Son sang courait vif dans ses veines et bouillait. Il sentait un danger. Il avait trop à perdre. Il ne pouvait pas trop garder, pas trop se tenir prêt à tout ; il contempla la dormeuse avec un attendrissement, avec une passion, avec une émotion d’attachement dévoué, qui courut dans toutes les fibres de son être, et alors, ayant soulevé doucement la tête de Djemylèh, il posa cette tête adorée sur une touffe d’herbes et sortit pour surveiller les alentours.