Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/341

Cette page a été validée par deux contributeurs.

certainement à cette heure ! Il nous trouvera, il va nous trouver ! Où aller ! Que devenir ?

— Oui, où aller ? poursuivit Djemilèh ; moi, je ne sais pas ; mais tu le trouveras, j’en suis sûre ! tu vas le trouver tout à l’heure dans ta tête ; parce que, toi, tu es brave, tu ne trembles devant aucun péril, mon cher, cher Moshèn, et tu sauveras ta femme !

Elle le tenait toujours enserré, seulement sa main droite s’était retirée du cou du jeune homme et lui caressait les yeux et en essuyait les larmes. Soit réaction du mouvement de faiblesse qu’il venait d’éprouver, soit effet de cette magnétique influence que l’amour étend sur ceux dont il est maître, Mohsèn, tout à coup, revint à lui, la clarté rentra dans sa tête, et se dégageant doucement de l’étreinte chérie qui le retenait, il regarda Djemylèh d’un air calme, et, devenant un autre homme, il dit posément :

— Ce quartier est absolument désert et contient bien des ruines. Cherchons un abri momentané, une cave, s’il se peut. Tu vas t’y reposer, y dormir. Ce serait un grand hasard si l’on nous y découvrait. Dans la journée, je tacherai de sortir avec les précautions possibles et d’avoir à manger. À tout prendre, nous pouvons supporter la faim jusqu’à ce soir, et, ayant ainsi douze à quinze heures devant nous, peut-être une idée heureuse nous viendra-t-elle et saurons-nous comment employer la prochaine nuit pour notre salut.