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après avoir frappé longtemps d’une manière plus modeste, il ne réussit pas à se faire ouvrir, et, comme il pensait sérieusement à défoncer l’obstacle, un voisin lui cria que, depuis quinze jours, Iousèf-Beg et tous les siens étaient partis pour Peshawèr et ne reviendraient certainement pas de l’année.

Ce fut la foudre sur la tête des fugitifs. Pendant tout le trajet, Mohsèn avait marché derrière Djemylèh, la main sur la batterie de son mousquet, s’attendant à chaque minute, à entendre les pas de l’ennemi. Il ne pouvait imaginer combien de temps son père parviendrait à tenir bon ; il savait, au contraire, de façon certaine, que la maison finirait par être forcée ; sur ce qui se passerait alors, il ne s’interrogeait pas, et son courage et sa gaieté étaient tenus debout par la certitude d’avoir un refuge assuré, où, pendant des semaines, il resterait caché avec son trésor, sans que celui-ci courût aucun risque.

Mais quand il vit que son oncle lui manquait et qu’il était dans la rue, et qu’il ne savait où aller, et qu’il n’avait pas un endroit sur la terre, non, pas un endroit dans l’univers entier où Djemylèh pût être à l’abri de l’injure et de la mort, lorsqu’au contraire, il sentit, aux frissons de sa chair, aux angoisses de son âme, que l’injure, la vengeance couraient après la passion de sa vie, après la fille charmante qu’il emmenait et dont il était si tendrement aimé, qu’il aimait, lui, à en mourir, et que la mort, l’injure, allaient atteindre cette merveille sacrée,