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ruelle, et, quand nous aurons pratiqué un trou suffisant, nous entrerons. Maintenant, écoutez-moi bien et ce que je vais vous dire, répétez-le à vos hommes et forcez-les d’obéir. Dans cette encoignure, ici, à la tête de mon lit, vous la voyez ? demain matin, j’aurai trois têtes : celle de Mohammed, celle de Mohsèn, celle de Djemylèh ! Maintenant, au nom de Dieu, à l’ouvrage !

Les habitants de la maison de Mohammed avaient à peine achevé leurs préparatifs de défense, que l’on frappa à leur porte.

— C’est le début ! murmura le chef de la famille. Il se plaça à la tête des siens, dans le corridor conduisant à l’entrée du logis. Derrière lui se tenait sa femme, portant un fusil de rechange ; près de lui était Mohsèn avec son mousquet ; près de Mohsèn, tout contre lui, Djemylèh, tenant la pique de son amant ; derrière eux, les trois vassaux armés de dagues. La garnison n’avait pour elle ni la bonté ni le nombre des armes ; mais elle était résolue. Personne n’y tremblait. Les sentiments les plus forts, qui puissent occuper le cœur, régnaient là sans partage ; aucune sensation mesquine ne se tenait à leur côté ; aimer, haïr, et cela dans une atmosphère d’intrépidité héroïque, avec l’oubli le plus absolu des avantages de la vie et des amertumes supposées de la mort, il n’y avait pas autre chose qui planât sur ces têtes.

On n’avait rien répondu au premier appel des assiégeants. Une nouvelle avalanche de coups de crosse et