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siasme éclatait sur sa figure. Djemylèh l’aida à boucler le ceinturon de son sabre. Des sentiments pareils à ceux du jeune homme animaient ses traits charmants. En ce moment, le vieux Mohammed suivi de deux de ses hommes entra dans la chambre. En voyant sa nièce qui se précipita à ses pieds et lui baisa la main, il eut un moment de surprise et ne put cacher une sorte d’émotion. Ses traits rudes et hautains se contractèrent.

— Ils s’aiment ! dit sa femme en montrant les deux enfants.

Mohammed sourit et caressa sa moustache :

— Que la honte soit sur mon frère et sur sa maison ! murmura-t-il.

Il eut un instant l’idée de jeter Djemylèh à la porte et d’aller dire partout qu’il l’avait traitée comme une fille perdue. Sa haine eût été franchement repue du mal qu’il aurait fait. Mais il aimait son fils ; il le regarda ; il comprit que les choses ne se passeraient pas aisément ainsi et se contenta de la mesure de vengeance possible.

— Fermons les portes, dit-il. Nous ne tarderons pas à être attaqués, sans doute, et vous, femmes, chargez les fusils !

Djemylèh n’avait pas quitté la maison de son père depuis un quart-d’heure, qu’on s’était déjà aperçu de son absence. Elle ne pouvait pas être à la fontaine ; il était trop tard, ni chez aucune amie, sa mère en eût