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commandé ; les autres accusaient tout bas le vieil Osman d’être le meurtrier et d’avoir payé l’assassinat magique à un docteur juif.

C’était un soir, assez tard. Depuis deux jours, le jeune homme n’avait plus dit une seule parole. Sa tête était tournée contre la muraille, ses bras traînaient insensibles sur le lit ; sa mère, après avoir étalé bien des amulettes autour de lui, n’ayant plus d’espérance, s’attendait à le voir expirer, le regardait avec des yeux avides, quand soudain, à la grande surprise de la pauvre femme, presque à son effroi, Mohsèn retourna brusquement la tête vers la porte ; et, l’expression de son visage changeant, une lueur de vie l’illumina. Il écoutait. Sa mère n’entendait rien. Il se souleva, et d’une voix assurée prononça ces paroles :

— Elle sort de sa maison et vient ici !

— Qui ? mon fils ! qui vient ici ?

— Elle-même, ma mère, elle vient ! Ouvrez-lui la porte ! reprit Mohsèn d’une voix éclatante ; il était hors de lui ; mille flammes étincelaient dans ses yeux. La vieille femme, sans savoir elle-même ce qu’elle faisait, obéit à cet ordre impérieux, et, sous sa main palpitante, la porte s’ouvrit toute grande. Elle ne vit personne. Elle écouta ; elle n’entendait rien ; elle regarda dans le corridor ; tout était sombre, elle ne vit rien ; une minute, deux minutes passèrent dans cette attente pleine d’angoisses pour elle, pleine d’une foi certaine pour lui. Alors un léger bruit s’éveilla ; l’entrée de la