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avoir sauvé peut-être le quart des adorables personnes qui avaient porté jusqu’au ciel la gloire de Shamakha.

— Si ton histoire n’avait pas fini à peu près heureusement, s’écria Assanoff, je n’aurais pas pu continuer mon dîner. Mais de la façon dont tu t’y es pris, je crois que j’irai jusqu’au dessert. Madame, seriez-vous assez bonne pour me faire donner du champagne ?

Le mouvement qui suivit cette demande interrompit un moment l’entretien ; mais quand on eut porté la santé du nouvel officier arrivé au Caucase, ce que madame Marron (aîné) proposa d’une manière toute aimable et d’une façon qui eût pu troubler le joyeux ingénieur, s’il eût possédé un naturel capable de s’arrêter à de pareilles vétilles, un des convives renoua le fil de l’entretien :

— Je suis allé, dit-il, il y a quelques mois jusqu’à Shamakha, et l’on m’y a raconté que la danseuse la plus estimée était une certaine Omm-Djéhâne. Elle faisait tourner toutes les têtes.

— Omm-Djéhâne, répondit brusquement l’Ennemi de l’Esprit, est une pitoyable fillette, pleine de caprices et de sottise ! Elle danse mal, et, si on parle d’elle, c’est uniquement à cause de son humeur insociable et de ses bizarreries méchantes. D’ailleurs, elle n’est aucunement jolie, il s’en faut de tout !

— Il paraît, notre ami, s’écria Assanoff, que nous n’avons pas eu à nous louer de cette jeune personne ?