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les tribus turkomanes, pour traiter du rachat des captifs. On avait eu quelque difficulté à s’entendre. Pourtant on était tombé d’accord, et voilà comment et pourquoi, après avoir passé dans une agitation incroyable, dans une sorte d’extase de bonheur, et après avoir pris congé de nos anciens maîtres et de nos anciens amis turkomans, nous nous mîmes en route pour Meshhed, marchant, je vous en réponds, comme l’oiseau qui va s’envoler.

Le temps était superbe ; la nuit, les étoiles brillaient aux cieux comme des diamants ; le jour, un beau soleil éclatant couvrait le ciel et la terre de paillettes d’or, qui tombaient à flots de son cercle enflammé. L’univers entier nous riait, à nous autres pauvres malheureux soldats, oui, les plus malheureux, les plus abandonnés, les plus maltraités des êtres, qui sortions d’un excès de mal, pour retomber au moins dans l’espérance, et nous marchions allègrement, et nous chantions à pleins gosiers, et ainsi nous arrivâmes à deux heures de Meshhed. Nous voyions clairement devant nous venir, sur le ciel bleu, et les coupoles, et les minarets, et les murs émaillés de la mosquée sainte, et les innombrables files des maisons de la ville ; et, comme nous pensions à ce que nous allions trouver tout-à-l’heure de bon pour nous dans le sein de cette apparition céleste, nous nous trouvâmes tout-à-coup arrêtés par deux régiments rangés en travers du chemin et devant lesquels se tenait une troupe d’of-