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Quand on arrivait au menzil, c’est-à-dire à la station, nous déballions notre riz, notre beurre, et même du tombéky et nous vendions à un prix assez élevé. Mais on achetait, et notre spéculation était fort heureuse, car il fallait bien avoir recours à nous, sans quoi on se fût trouvé dès les premiers jours dans une grande pénurie. Chacun sait que, dans les grandes vallées de l’Iran, celles précisément que traversent les routes, il y a fort peu de villages ; les paysans ne sont pas si fous que d’aller s’établir précisément sur le passage des soldats. Ils n’auraient ni trêve ni repos et finiraient par mourir de faim, sans compter les désagréments de toute espèce qui ne manqueraient pas de leur arriver. Ils se mettent donc, au contraire, loin des routes et de façon à ce qu’il ne soit pas toujours facile de parvenir jusqu’à eux. Mais les soldats, non plus, ne sont pas maladroits ; en arrivant au menzil, ceux d’entre nous qui connaissaient le pays, nous renseignaient. Les moins fatigués de la marche se mettaient enquête ; il s’agissait quelquefois de faire encore trois ou quatre lieues pour aller et autant pour revenir. Mais l’espoir d’augmenter nos provisions nous soutenait. Il fallait surprendre un village. Ce n’était pas toujours facile. Ces paysans, les chiens maudits, ont tant de ruse ! Nous avait-on aperçus de loin, tout le monde, hommes, femmes, enfants s’enfuyait, emportant avec soi jusqu’au dernier atome de son bien. Alors nous trouvions les quatre murs de chaque maison, et