Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/255

Cette page a été validée par deux contributeurs.

celui de Souleymanyèh, qu’on avait envoyé à Shiraz ; de sorte que j’appartenais à un détachement occupant un des postes dans le bazar. Ces chiens d’Européens, que Dieu maudisse ! prétendaient que, tous les jours, on devait relever les postes et renvoyer les hommes à la caserne. Ils ne savent qu’inventer pour tourmenter le pauvre soldat. Heureusement, le colonel ne se souciait pas d’être ennuyé et dérangé constamment, de sorte, qu’une fois dans un corps de garde, on s’y établit, on y prend ses aises et on s’y loge, non pas pour vingt-quatre heures, mais pour deux ou trois ans, quelquefois, enfin, pour le temps que le régiment tient garnison dans la ville.

Notre poste était assez agréable. Il tenait le coin de deux avenues du bazar. C’était un bâtiment composé d’une chambre pour le nayb et d’une vaste salle pour les soldats. Il n’y avait pas de fenêtres, mais seulement une porte qui donnait sur une galerie en bois, longeant la rue, et le tout était élevé de terre de trois pieds. Aux environs de notre édifice beaucoup de boutiques nous présentaient leurs séductions. D’abord, c’était un marchand de fruits, qui avait ses raisins, ses melons et ses pastèques étalés en pyramides ou dessinant des festons au-dessus de la tête des chalands. Dans un coin de l’établi, se carrait une caisse de figues sèches, dont le digne marchand nous permettait toujours de prendre quelque chose, lorsque, le soir, nous allions causer avec lui de toutes