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Et elle recommença à m’embrasser plus fort qu’auparavant. Moi, je devins fort inquiet et soucieux. Je, l’aimais bien sans doute, mais je ne lui avais jamais dit que j’eusse de l’argent, parce que j’avais peur qu’elle ne voulût l’avoir et ne réussît à me le prendre. La demander en mariage à mon oncle, c’était inévitablement être obligé d’avouer à mon père, à ma mère, à toute ma parenté aussi bien qu’à elle l’existence de mon petit trésor. Alors que deviendrais-je ? J’étais un homme ruiné, perdu, assassiné ! D’autre part, j’avais, une envie extrême d’épouser Leïla, ce qui me comblerait des bonheurs les plus grands que l’on puisse imaginer dans ce monde et dans l’autre. En outre, je n’aurais plus rien à craindre des empressements de Hassan, de Kérym, de Suleyman et d’Abdoullah, qui me faisaient cuire à petit feu. Pourtant je n’avais pas encore envie de donner mon argent, et je me vis dans une perplexité si grande que mes sanglots redoublèrent, et je serrai Leïla dans mes bras en proie à une angoisse inexprimable.

Elle crut que c’était elle seule qui était cause de ces transports et elle me dit :

— Mon âme, pourquoi as-tu tant de chagrin au moment où tu sais que tu vas me posséder ?

Sa voix m’arriva si douce au fond du cœur, lorsqu’elle prononça ces paroles, que je commençai à perdre la tête et je répliquai :

— C’est que je suis si pauvre, que je dois même