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dans la persuasion que c’en était fait, qu’il était pris, et qu’il allait être mis à mort. Affaibli outre mesure par l’état de son esprit et par le jeûne, la fièvre jet le délire s’emparèrent de lui, et il tomba fort malade. Dans les instants où la connaissance lui revenait il se croyait dans une prison. Pourtant l’aspect de la chambre où on l’avait transporté n’avait rien pour le confirmer dans ce triste sentiment. C’était une charmante chambre. Les murs en étaient peints en blanc, et les enfoncements réguliers, carrés, où l’on place des coffrets et des vases de fleurs étaient encadrés dans des peintures rose et or, relevées de vert clair. Le lit était garni d’immenses couvertures piquées en soie rouge ; des oreillers et des coussins, grands et petits, recouverts de fine toile et brodés étaient multipliés sous sa tête et sous ses bras. Il était gardé par une négresse, vieille à la vérité et laide, mais très-bienveillante, qui obéissait à chacune de ses demandes, qui le dorlotait, qui l’appelait l’oncle de son âme et qui ne ressemblait nullement à un bourreau. Deux ou trois fois par jour, il recevait la visite d’un hakim-bachi ou médecin en chef, lequel était juif, bien connu de lui pour le praticien à la mode dans le beau monde et il ne pouvait s’empêcher de convenir en lui-même que le seul fait d’être traité par Hakim-Massy constituait déjà un véritable honneur dont on pouvait être fier. Hakim-Massy lui avait dit, avec sa bonté ordinaire, que tout allait au mieux, qu’il serait sur pied avant peu de