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bâton ! » Ce qui signifierait évidemment que Gambèr-Aly n’était pas le premier venu, comme son triste père, puisque le Prince voulait bien condescendre à s’occuper de lui.

Pendant qu’il s’abandonnait à ces réflexions présomptueuses, Assad-Oullah lui dit en le poussant du coude :

— Voilà le Ferrash-Bachi ! N’ayez pas peur, mon enfant !

La recommandation n’était pas de trop. Le chef des étendeurs de tapis du Prince-Gouverneur de Shyraz possédait une mine assez rébarbative ; la moitié de son nez était mangée par la maladie qu’on nomme le bouton ; ses moustaches noires, pointues, s’étendaient à un demi-pied à droite et à gauche de ce nez en ruines, ses yeux brillaient sombres sous d’épais sourcils, et sa démarche paraissait imposante. Il se drapait dans une magnifique robe de laine du Kerman, portait un djubbèh ou manteau de drap russe richement galonné, et la peau d’agneau de son bonnet était si fine que, à la voir seulement, on pouvait en calculer le prix à huit tomans pour le moins, ce qui, d’après les calculs de l’Occident, ne faisait pas loin d’une centaine de francs.

Ce majestueux dignitaire s’avança d’un air compassé vers le pishkhedmèt, qui le salua en mettant sa main sur son cœur ; mais Gambèr-Aly ne se permit pas une pareille familiarité ; il fit glisser ses mains contre ses