Page:Gobineau - Nouvelles asiatiques 1876.djvu/194

Cette page a été validée par deux contributeurs.

satinées étaient en partie couvertes de housses à fonds cramoisis et à broderies bigarrées ; ici, un groupe de ferrashs se promenait, la baguette à la main, pour maintenir un bon ordre qui n’existait pas ; plus loin, des soldats faisaient cuire leur repas dans des marmites ; des officiers traversaient la cour d’un air insolent, doux ou poli, suivant qu’ils se souciaient des regards attachés sur eux. On saluait celui-ci ; celui-la, au contraire, s’inclinait respectueusement devant un plus puissant ; c’était le train du monde, dans tous les royaumes de la terre, seulement avec une complète naïveté.

De la grande cour, Assad-Oullah, suivi de sa recrue, éblouï par tant de magnificence, pénétra dans un autre enclos, un peu moins vaste, dont le milieu était occupé par un bassin carré rempli d’eau ; les ondes se teignaient agréablement des reflets azurés du revêtement, formé par de grandes tuiles émaillées d’un bleu admirable. Sur les marges de ce bassin, s’élevaient d’immenses platanes, dont les troncs disparaissaient sous les enlacements touffus et plantureux de rosiers gigantesques couverts de fleurs fraîches et multipliées. En face de l’entrée basse et étroite par où les deux amis avaient pénétré, une salle très-haute, qu’un Européen aurait prise pour la scène d’un théâtre, car elle était absolument ouverte par devant et reposait sur deux minces colonnes peintes et dorées, montrait, pareil à une toile de fond et à des portants de cou-