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Je sais que je vais mourir ! Mais, au moins, au moins, qu’en mourant, je trouve !

Kassem se laissait emporter, Il allait, il était traîné, mais il ne résistait pas. Son : affection pour son maître, une curiosité fébrile, furieuse, le dominait. Il savait qui l’appelait : il n’avait plus d’autre volonté que de courir au-devant du terrible mystère. Tout à coup, il se trouva contre la roche, à l’endroit même où quelques instants auparavant ses mains avaient touché.

— Mets-toi là, dit l’Indien en le poussant dans le fond d’une sorte d’anfractuosité ; là ! là ! Bien ! Tu risques moins, et maintenant, je le sais, je le sens, je vais tout savoir !

Kassem l’entendit de nouveau gémir, pousser, tirer, frapper ; et, en même temps, ses cheveux se dressèrent d’horreur, car le derviche prononçait, dans une langue absolument inconnue, des formules gutturales dont la puissance était certainement irrésistible. Soudain un fracas épouvantable se fit entendre dans la grotte ; Kassem sentit les pierres s’agiter, la terre vaciller sous ses pieds, les rochers glissèrent sous ses mains, la lumière entra de toutes parts ; un éboulement épouvantable venait d’ouvrir la voûte ; il regarda, il ne vit plus le derviche, et, à la place où ce sage et tout puissant magicien avait dû être un instant auparavant, s’élevait un amoncellement de débris énormes que toutes les forces humaines eussent été impuissantes à