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mari. Il paraît qu’il y a eu une scène épouvantable !

— Je n’en savais rien, répondit bien bas Amynèh, en s’essuyant les yeux et en étouffant un soupir.

— Je connais l’histoire avec la dernière exactitude, s’écria la compagne du gouverneur, qui avait de longs yeux noirs taillés en amande, sur les cils une bonne provision de surmeth, ce qui lui donnait un éclat surnaturel. Il paraît que, dans un moment d’épanchement, Sèyd-Housseyn s’est avisé de vouloir contempler les oreilles de son épouse.

— Quelle horreur ! s’écrièrent tout d’une voix Zemroud et Loulou.

— Une grossièreté ! poursuivit Bulbul, en levant les épaules et avec un accent de pruderie incomparable ; mais, bref, il l’a voulu, et, bien que Gulnar se soit fort défendue et même fâchée, Sèyd-Housseyn a fini par lui déranger son tjargât, si bien qu’il a aperçu le bout de l’oreille droite, et à cette oreille des boucles d’or et de saphirs qu’il ne se souvient pas d’avoir données ! De là grand tapage, comme vous pouvez vous l’imaginer.

— Aussi, Gulnar-Khanoum est d’une imprudence ! déclama Loulou. Comment va-t-on porter de telles boucles d’oreilles, quand on n’est pas sûr de la moralité de son mari ? Ce n’est jamais le mien qui se permettrait…

— Gulnar, répliqua Bulbul, se croyait à l’abri de tout, parce que, comme c’est d’usage, elle portait les