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tout allait bon train, et c’étaient des éclats de rire qui ne finissaient que pour recommencer.

Trois servantes, dont deux béloutches et une négresse, vêtues de soie et de cachemire, présentaient à ce moment des kaliouns d’or émaillés et garnis de pierreries, et ces dames fumaient à cœur joie, quand la triste Amynèh entra. D’ordinaire, elle n’était pas une associée indigne de pareilles conférences ; au contraire, elle y apportait une gaîté et un rire si frais, si joli, qu’on en avait fait des chansons qui se répétaient partout : Le rire d’Amyneh. Hélas ! il ne s’agissait guère du rire d’Amynèh, aujourd’hui ! La pauvre petite laissa tomber son manteau et son voile, baisa la main de sa belle-sœur, qui l’embrassa tendrement sur les yeux, et s’assit, après avoir salué, comme deux amies, les dames présentes.

— Mon Dieu ! ma fille, s’écria Zemroud-Khanoum, qu’as-tu donc ? Les yeux rouges ? As-tu pleuré par hasard ? Serait-ce la faute de Kassem ? En ce cas, envoie-le-moi ; je le remettrai dans le droit chemin ! Ah ! ces hommes ! ces hommes ! C’est ce que nous étions justement en train de dire ! Mais, console-toi, console-toi ! Il ne faut pas abîmer tes beaux yeux !

— Abîmer ses yeux pour un mari ! dit Loulou, la femme élégante du dignitaire ecclésiastique, quelle folie ! À propos, chère Amynèh, mon âme, mes yeux, peut-être pourrez-vous me raconter dans le détail ce qui est arrivé, hier, à Gulnar-Khanoum avec son