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peux sur moi-même ; maintenant, je vais vous montrer ce que je peux sur le monde matériel. Faites apporter un réchaud.

Mirza-Kassem donna au petit nègre l’ordre de fournir ce que le derviche souhaitait, et un réchaud, rempli jusqu’au bord de charbon bien allumé, fut placé devant celui qui allait s’en servir pour la démonstration si curieuse de sa puissance illimitée sur les éléments. La démonstration eut lieu, en effet. Le derviche parut se recueillir fortement ; sa bouche se serra à tel point, que ses lèvres paraissaient soudées l’une à l’autre ; ses yeux s’enfoncèrent plus encore dans leurs orbites ; des gouttes de sueur perlèrent sur son front, ses joues se tirèrent, et, sous le hâle, devinrent livides ; tout à coup, il étendit le bras, comme si un ressort était parti, et le posa juste au milieu des charbons, où il enfonça son poing fermé ; Mirza-Kassem poussa un cri d’épouvante ; mais le thaumaturge sourit, et maintint sa main crispée au milieu du feu. Deux ou trois minutes s’écoulèrent ; il retira sa main, la montra à son hôte, et celui-ci vit qu’il n’y avait ni brûlure ni blessure.

— Ce n’est pas tout, dit le derviche. Vous savez ce que je peux pour dompter mon corps et faire obéir les éléments à mes caprices les plus contraires à leur nature ; regardez maintenant ce que je peux sur les hommes ; je dis sur tous les hommes, je dis sur toute l’humanité !