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ce qu’elle est : ce pauvre diable qui n’a rien, et qui est devant vous, possède le monde !

En prononçant ces paroles, le derviche regarda en face Mirza-Kassem et avec une telle expression de majesté et d’autorité, que celui-ci en resta tout interdit ; il eut à peine le temps de prononcer les paroles indiquées par la circonstance :

— Gloire à Dieu ! Qu’il en soit béni et remercié !

— Non ! poursuivit le derviche, et toute sa personne prit de plus en plus un caractère imposant et dominateur ; non, mon fils, vous ne me croyez pas ! La puissance à vos yeux, s’annonce par un grand appareil ; on ne saurait en être investi, à moins que, magnifiquement vêtu de soie, de velours, de cachemire et de gaze brodés d’argent et d’or, on ne s’avance sur un cheval dont le harnachement est semé de perles et d’émeraudes, entouré d’un immense cortège de serviteurs armés, dont la turbulence et les airs insolents font connaître la dignité du maître. Vous pensez comme tout le monde sur ce point. Mais vous avez été bon pour moi ; sans me connaître, sans soupçonner d’aucune façon qui je suis, vous m’avez accueilli et traité comme un roi. Je vous en montrerai ma gratitude, en vous délivrant d’une fausse manière de penser qui ne doit pas plus longtemps rabaisser l’esprit d’un homme tel que vous. Sachez donc que telle ou telle chose, impossible au commun des hommes, est pour moi simple et d’une exécution facile. Je vais vous en donner une preuve