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observent rarement de façon très-exacte le jeûne commandé par la loi dans ce temps consacré. Cependant, il faut aussi l’avouer, il n’est presque personne qui ne tienne à passer pour le faire, et, de cette façon, les apparences du moins sont sauvées. De sorte, que ce sont précisément les hommes sans conscience qui ont mangé leur pilau, tout à l’aise, dans un coin, à l’heure ordinaire du déjeuner, qui, lorsque le soir arrive, sont les plus empressés à se plaindre de la faim qui ne les tourmente pas, de la faiblesse qui ne les envahit guère, et à appeler, avec les cris les plus suppliants, le coucher du soleil. Il faut remercier Dieu et son Prophète de ce que ce spectacle édifiant est abondamment fourni dans toutes les villes de l’Iran, à l’époque sainte.

Un soir donc, à la porte de la ville, Mirza-Kassem et une douzaine de ses amis étaient assis sur leurs talons, devant l’éventaire d’un marchand de melons, et ils attendaient le moment où le disque du soleil, déjà s’approchant de l’extrême bord de l’horizon, allait leur faire le plaisir de disparaître. La moitié au moins de ces réguliers et consciencieux personnages, dont le visage fleuri ne dénonçait pas les austérités, tenaient à la main le kalioun bien allumé, n’attendant que l’absorption de l’astre dans le commencement du crépuscule, pour fourrer dans leur bouche le bout de tuyau et s’envelopper d’un nuage de fumée.

— Descends donc ! descends donc ! murmurait d’une