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De la terre, de Paris, l’effluve la plus odorante m’enveloppait. Elle me passait son collier de perles, une de ses bagues. Naki me maintenait, elle défaisait sa ceinture et me l’attachait de force, car on avait dû prendre la mienne pendant mon évanouissement. Elle riait. Son sacrifice, son sang-froid assuraient pour toujours son triomphe sur Naki, elle le savourait, elle était heureuse d’avoir eu finalement raison dans tous ces tournois interminables qu’était leur vie. Tous les gestes de Naki, ses yeux, ses lèvres, prouvaient qu’il ne contesterait plus jamais rien désormais de ce qu’elle avait affirmé, que Merika Arnagos était moins belle que Basilea Persinellas, que l’âme était immortelle, que le bordeaux valait le bourgogne, que tribord est sur la gauche et bâbord sur la droite. Nenetza s’épanouissait d’aise ; puis, comme j’étais calmée et que je pleurais, elle m’embrassa.

— Adieu, chérie, — dit-elle. — Je sens trop bon, hein ? Adieu, mon petit Naki. Tu vois que les flacons de Coty ne sont pas solides. Adieu, Naki aimé. Tu vois qu’il y a parfois des tempêtes… Oh ! regardez cette étoile !

Nous avions levé la tête, nous rabaissions les yeux, trop tard, elle avait sauté.


Oui, des heures, des matins, des soirs, ce fut