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toutes trois se seraient unies pour une phrase en trio, d’ouvrir les yeux. Mais chacun ne parlait qu’à son tour. Paroles anglaises dont je comprenais certes le sens, mais qui surtout donnaient à ma mémoire un mouvement sans rapport avec leur contenu, et chacune ouvrait en moi une vision d’Europe et l’épuisait comme une glande…

La voix de basse disait ;

— Les pieds me déroutent. Tout est mystère dans ces îles. Voici la trente-unième race à ajouter aux trente races de Wellney. Mais qu’il y ait des pieds cambrés en Polynésie, c’est la ruine de Spencer et de Heurteau !

Je comprenais tout cela, mais que mes pensées étaient autres !

L’arrivée aux gares, pensais-je ! quand le train décrit une toute petite courbe pour entrer dans le hall, quand l’approche de Paris rend si sensible qu’on devine au-dessous de soi chaque aiguillage. L’arrivée à Saincaize, juste à la sortie du tunnel et qu’on jette des noyaux de cerise sur les voyageurs qui débarquent du train de Bourges !

La voix haute dit :

— Mais cette peau ?

— Fardée et nacrée. La peau s’explique dans Wellney. Mais les pieds me confondent.

Moi je pensais :