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beaucoup devant l’écho, les criant et les modifiant jusqu’à ce qu’il me revienne du rocher un nom sans alliage… Glaïa, le sentiment que l’on éprouve quand toutes les feuilles rouges du manguier sont retournées par le vent et deviennent blanches ; Kirara, le mouvement de l’âme quand les mille chauves-souris, pendues à un arbre mort comme des figues, se détachent une à une ; Hiroza, quand elles partent toutes ensemble et prennent un oiseau dans leur groupe. Ibili, la rencontre d’une liane qui s’est glissée jusqu’à la grève et qu’on pourrait lier à un câble. Koiva, pour tous les gestes faits par un bras humain ; et des noms identiques pour les désirs les plus différents : Youli pour la faim à la fois et le sommeil, Azié pour cette caresse sur moi, incessante, des ailes d’oiseaux, et pour l’amour. Moi, je suis Veloa, la reine, et il ne faut pas me confondre avec Velloa, le manque de cassis et d’eau de coings. Fuis, cela me fait moins seule, les mots les plus féminins de l’ancien monde, je les mets au masculin ; la mer, la terre, la nuit sont devenus des êtres d’un autre sexe que le mien ; la lune est Sikolè, mot quatre jours femelle et trois jours mâle ; imaginez aussi que la mangue, la cerise, la poire changent de genre pendant que vous les approchez de vos lèvres. J’ai comparé