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dans un mouvement de la mer qui remplaçait sans le savoir le réflexe d’un caniche battu. Il dérivait enfin, quand j’aperçus son collier : je nageai vers lui, défis la boucle, et il s’éloigna, sa mission terminée, qui était de m’apporter ces deux mots incompréhensibles : Volga, Vermeer. Quelques minutes après, une masse plus lourde passa au large, un autre chien, un terre-neuve, qui me donna lui aussi deux mots : Kismet, Bellerophon. Caniches, terre-neuve, races fidèles, qui venaient me chercher jusque-là, et qu’eût escortés sûrement le chien de berger s’il n’avait été retenu au milieu de la Brie par son devoir.

Soudain retentit cet appel de mes oiseaux par lequel ils m’annonçaient qu’un oiseau nouveau avait pénétré dans l’île. Mais au lieu de poursuivre l’intrus de cocotier en baobab par de longs rayons rouges ou verts terminés par les kakatoès nègres, les moins rapides, au bord de la mer ils se pressaient autour d’une épave. Ils la cachaient, mais ils dessinaient autour d’elle une forme. Je voyais, sous tant d’ailes, une statue géante, une personne de tapisserie, mais gonflée et palpitante. À mesure que j’approchais, j’étais moi-même entourée et drapée d’un voile d’oiseaux excités, je devenais une créature géante aussi, aérée, avec au centre un petit corps de femme. J’arrivais. Les premiers