Page:Giraudoux - Suzanne et le Pacifique, 1925.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

élastique longuement étirée et qui me revint juste en plein cœur, l’académicien Bédier — car soudain, je les avais eux aussi oubliés, son nom me ramena Tristan avec Yseult. Puis, deux oiseaux écarlates s’enchâssant, les deux cardinaux. Puis, un jour, où je voyais un nuage éclairé rejoindre un nuage sombre, l’académicien Rostand que j’avais vu un jour rejoindre M. Bonnat. Tous ces chefs illustres, qui couverts du même titre et du même uniforme, aux jeunes filles de France paraissent à peu près le même et sont aimés en tout cas de la même passion, un grand clavier vert et noir, avec des dièses qui sont Barrès et Loti, tous, étrange influence de la Polynésie, me semblaient chacun seul et original. Puis, par l’Académie, comme par une grande trappe, passant des immortels qui vivent aux immortels qui sont morts, je m’engouffrai dans une région où, — ignorante comme je l’étais, seule comme je l’étais, — je me mis à imaginer notre littérature, et — j’y étais bien obligée si je voulais en savoir vraiment quelque chose — à la recréer.

Tous ces noms d’auteurs et de héros, de théories et d’habitudes qui ne sont guère, pour les élèves les plus grandes des pensionnats, que des paravents, j’essayai de deviner ce qu’ils dissimulaient. Ces noms de Phèdre, de Consuelo qu’on