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tournesols, qui eût voulu être déesse du rayon vert. Une plainte dans la forêt, qui suppliait, qui demandait presque d’une voix humaine à être le lieu du silence. Un rugissement des grosses orchidées, comme d’un phonographe, pour la place de dieux des pollens… Quand je passais sous l’arbre à racines retombantes toujours un coup sur l’épaule, net, et brutal, de celui qui voulait devenir peut-être dieu des caresses. Une ambition sans bornes des moindres reflets dans les eaux, les sources, et qui gagnait des poissons isolés, soudain figés et ridicules. Les demi-appels, les demi-éclats des modestes qui ne voulaient être que demi-dieux. Une flatterie unanime qui me conviait à me croire d’essence royale pour que tous alors sous mon couvert pussent se précipiter à la curée des noblesses. Un nuage tout rond, quotidien, qui défilait vers midi devant moi, fardé et poudré, comme Esther devant son roi, avec la secrète prétention d’avoir un grade entre les cumuli ; les brisants autour de l’île qui voulaient faire de moi avec leur bruit de feu une Walkyrie éveillée ; la mer, qui parfois s’écartait de l’horizon comme un gâteau de son moule, que je n’aurais eu dans ces moments qu’à retourner, déesse. Je me refusais à combler ces vœux enfantins. Le Novice et le Contrôleur gardèrent seuls