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— ce qui assemble sur leur tête des vérités opposées, qu’ils invoquent selon les occasions ; ce qui les rend, non pas menteurs, non pas hypocrites, mais convaincus successivement et même à la fois de la primauté du droit, de la force, de la faiblesse, des bienfaits de la surpopulation ou de la stérilité. (Ici me fut fermée la Chambre de Commerce, dont le président n’avait pas d’enfant.) De là vient qu’ils sont cruels, sentimentaux, qu’ils invoquent sans cesse les traités, et qu’ils les violent. (Ce dernier mot, je ne sais pourquoi, me fit perdre la dernière faveur du grand éclusier de l’Elbe.) Enfin, dans le dernier stade, ayant imité tout le monde, ils entreprennent de s’imiter eux-mêmes, ou plutôt l’image de leur nation que leur a forgée un peuple de pédants et de princes mégalomanes. Tyr, Rome, ont été des pays de culture, mais l’Allemagne les dépassera de cent coudées, dès qu’elle se sera faite une galerie d’idoles à sa taille, se sera constituée par l’emprunt une mythologie, et que le fils Meyer sera lié personnellement avec un Siegfried ou un Hagen… (Ici me furent interdits les bateaux eux-mêmes, le directeur du personnel navigant s’appelant Meyer.) Pour la civilisation, c’est le résultat de l’entente parfaite entre un climat, un peuple, et ces courants de richesses morales et matérielles qui disparaissent et apparaissent au cours des siècles dans les environs des mers tièdes. C’est un état de modestie qui pousse l’homme civilisé à vivre parallèlement à la nature (ce qui lui évite d’ailleurs de rencontrer cette personne impitoyable), à attribuer par une juste évaluation du pouvoir humain, dont les cathédrales et les Pyramides lui marquent le plus grand volume, le moins de prix possible à la vie, à en garder vis-à-vis de son contraire, la mort, une certaine déférence et à la saluer ; — et, d’autre part, en raison de ce doux mépris pour elle, à ne pas la compliquer sur terre par d’autres