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la photographie. Weissberger dut aller travailler dans la salle de correspondance du Casino… D’ailleurs, avec la même autorité, quand la pêche aux hommes célèbres ne donnait pas, Geneviève ramenait un inconnu, un Suisse avec un étui dont on ne sut jamais s’il était violoniste ou joueur de tennis, et un beau Suédois, trouvé en maillot sur la grève, que j’avais déjà vu dans ce costume à Abbazia et à Deauville, et qui devait ne se déplacer qu’à la nage. Un beau jour, le bateau étant retardé, elle ramena du Casino Weissberger, organisa la fête, nettoya la penderie et le derrière des volets en son honneur, força la Weissberger à l’embrasser publiquement, et nous avons su depuis que de cette fausse accolade était reparti l’amour.

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Ci-dessous le quarante-troisième exercice de français, le seul que je n’eus pas le courage, une fois écrit, d’envoyer à Forestier, et dont le titre était : « La Mémoire. Un Limousin rappelle à son ami, qui a tout oublié, leurs souvenirs d’enfance. Plantes. Insectes. Petits animaux. »

— Parlez encore, parlez, disait l’homme sans mémoire, disait ForeStier. Voilà dix ans à cette heure que faisions-nous ?

— Le 22 mai 1912 ? répondais-je. Nous étions dans un village des environs de Paris. Nous avions choisi l’auberge à cause d’une plaque de marbre sur laquelle une devise incompréhensible était gravée. Vous la savez par cœur : Les papillons baisent les fleurs, les fleurs baisent les papillons… De temps à autre