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au lieu de saluer, je m’inclinai ; et désormais nous nous connaissons, nous sommes amis. Puis, pour que la revue semblât sans fin et que les spectateurs dans leur esprit la vissent toujours continuer, les soldats disparurent noblement derrière un mamelon. Une fillette crut à un vrai départ et pleurait, appelant son frère.

Déjà ceux qui étaient trop jeunes pour parader s’approchaient. Les fils de ce M. Norton, le botaniste, qui tint à composer à Paris sa thèse sur les lichens, refusant les invitations du grand spécialiste autrichien, et bien qu’il eût reçu de lui un tracé Paris-Vienne si fertile en lichens qu’il eût pu le rejoindre en traîneau tiré par des rennes ; les petits-fils du sénateur Lodge, qui avaient habité rue de Monceau, et désiraient m’en dire un mot, ainsi que de l’avenue Jules-Janin, et le plus jeune fut autorisé à me serrer la main. L’aîné, qui avait la rougeole et devait se tenir à trente mètres de tout camarade, eût le droit de me crier bonjour.

— J’ai de l’irritation sur la peau, cria-t-il.

— Ce n’est rien. Approchez !

— Vive la France ! cria-t-il en fuyant, car je marchais sur lui.

Un autre enfant nous escortait de plus loin encore, de l’autre côté de la route. Je demandai ce qu’il avait, il n’avait rien. Sur mon signe, il s’approcha, repartit bienheureux. Il avait sans doute qu’il était pauvre, orphelin : on m’avoua le soir qu’il n’était pas de l’école. Mais déjà le bataillon