Page:Giraudoux - Amica America, 1918.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
47


par la France, car elle s’est assise dans la tête à Paris même, durant notre Exposition. Puis elle me conte son aventure. Vous aimez, je crois, à savoir comment parlent les Américaines, avec leur petite bouche rouge, comment elles écoutent, avec leurs oreilles roses, avec leurs énormes perles. Muriel, qui a gardé son sourire du jour le plus cruel de sa vie, son regard du jour le plus inoffensif, parle aussi avec sa bouche d’enfant, mais la lèvre d’en haut bouge à peine ; et elle dut renoncer, au cinéma, à jouer le rôle de la jeune fille qui épèle, à la fin de chaque épisode, et fait deviner un mot. Le public imbécile ne comprenait pas et poussait, avec le menton, par dérision, des cris confus.

— Je suis parvenue, dit-elle, à trente centimètres au plus du professeur Apponyi. J’étais sans maillot dans un pyjama aux jambes réunies par un ruban et ne pouvais courir. D’ailleurs, dès que j’eus étendu le bras vers lui, un frisson me saisit, et de ce jour, froide que j’étais, j’ai compris l’esprit de la guerre.

— Que comprenez-vous ?

Muriel attend, pour vous répondre, que votre parole, arrivée à la conque de son oreille, en suive sans hâte les volutes, pénètre, fasse jouer un petit os qui tape, au bout d’une