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nues, rassurés le lendemain quand ils apprirent la vérité par le journal.



C’était la fin. Un petit homme se glissait vers moi, me disait en anglais, les larmes aux yeux : — Ah ! comme je voudrais parler avec vous, et j’ignore le français : Sprechen Sie deutsch ? Mille têtes graves nous accompagnaient à l’ascenseur, et discrètes, nous laissant partir seuls tous trois, s’écartaient aussitôt pour ne pas contrôler si nous montions dans la nuit ou si nous descendions et suivions la route… Nous suivions la route… La ville, que nous ne connaissions que par son plan de fêtes, vain et illogique, nous offrait sa vraie pente, ses avenues les plus larges, des marronniers en fleurs. La lune avait la forme d’un navire, un vrai pont, une vraie voile, on pouvait deviner l’âge du capitaine. Respectant sur les deux autres l’honneur amassé dans un tel soir, leur prenant doucement le bras, chacun, s’il glissait, s’il éternuait, prenait soin de n’injurier que soi-même. Sur chaque maison, appliqué contre la vitre où l’on affiche, le matin, pour attirer le glacier, la pancarte avec le mot Glace, un petit drapeau français ; mais il était minuit, nous ne pouvions monter dans toutes. Devant le poste de police, on ouvrait l’arrière d’une voiture-cellule comme une malle Innovation, et nous apercevions assis sans faux-col un rôdeur en complet à carreaux qui levait les bras criant Vive la France, et le policeman muet devait suivre ses