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peignait au ripolin vert notre palmier de ciment et de tôle, c’était les gestes qu’il ne pouvait réunir par cette saison qu’il n’aura jamais connue. Saison qui rend compatissant, inoffensif, et chacun croit à l’innocence. Autour du tronc d’arbre voisin, quatre soldats français qui repartent pour le front boivent dans des verres qu’orne de lauriers minces, quand ils les reposent, l’ombre d’un buisson, et je les écoute qui parlent sans haine. Le premier raconte que les serpents les plus dangereux, les serpents corail ou coraux, il a oublié le pluriel, ont la bouche trop petite pour mordre ; le second que le requin n’attaque jamais l’homme, qu’il suit les navires à cause des épluchures, et que s’il a mordu un cuisinier tombé, il se sauve en voyant le sang ; le troisième assure qu’il suffit de frapper dans l’eau avec les mains pour traverser le Niger sans crainte des mille crocodiles et il nageait même avec sa femme arabe sur le dos ; et le quatrième parle de deux Saxons qui lui donnèrent de l’eau un jour qu’il fut blessé… Rassurés, dans un monde enfin libéré d’hommes et d’animaux méchants, ils laissent leurs bras,