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voir encore une fois au milieu de vos beaux enfants qui m’envoyaient le dernier adieu, il m’a semblé que j’abandonnais la meilleure portion de moi-même ; je vous en ai presque voulu un instant de m’avoir fait une si prompte guérison et une convalescence si courte. Mes amis m’ont affublé du surnom de Don Quichotte, je ne sais trop pourquoi ; ce que je sais bien, c’est qu’avec la perspective d’un dédommagement pareil à celui que vous m’avez offert, il n’est personne qui n’acceptât les fonctions de redresseur de torts et de pourfendeur de géants, même à la charge de se mettre au feu de temps en temps pour en tirer quelque lady Penock.

La palme que les martyrs ne reçoivent qu’au ciel, plus généreuse que les anges, vous me l’avez donnée sur la terre. Vous m’êtes apparue comme une de ces fées bienveillantes qui conjuraient les génies malfaisants. Vous ne portiez pas la baguette magique, mais vous aviez la grâce qui égaie la souffrance et le charme qui endort tous les maux. Je m’étais raillé jusqu’à ce jour des stoïciens qui prétendaient que la douleur n’est pas un mal ; assise à mon chevet, il vous a suffi d’un sourire pour me ranger à leur sentiment. J’avais estimé jusqu’alors que la patience et la résignation étaient des vertus au-dessus de mes forces et de mon courage ; vous m’avez enseigné sans efforts que la patience est douce et la résignation facile. Je m’étais laissé conter que la santé est le premier des biens, vous m’avez prouvé le contraire. M. de Braimes en tout ceci s’est bien montré votre complice, sans parler de vos chers petits, qui, pendant un mois, ont fait de ma chambre un parterre et une volière, dont ils étaient les plus belles fleurs et les plus gais oiseaux. Enfin, comme si ce n’était pas assez de la vie que vos soins m’ont rendue, vous y avez ajouté, pour la rehausser, le don d’un joyau sans prix, votre amitié. Soyez remerciée mille fois et bénie ! Il semble que le bonheur soit entré avec vous dans ma destinée. Vous avez été l’aube annonçant les clartés nouvelles, le