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LA JOLIE FILLE DE GRANDPRÉ

Le digne curé avait, ce soir-là, contre son habitude, un air mystérieux. Il aspira une forte prise de tabac, dont quelques grains tombèrent sur le devant de sa soutane râpée.

— Où sont donc nos tourtereaux, ce soir, demanda-t-il en clignant de l’œil ?

— Les voici justement qui reviennent, répondit une femme d’un certain âge.

En effet, au détour de la route, on vit apparaître les deux inséparables enfants du hameau.

Fidélia, la plus jolie fille de Grand-Pré, et la plus charitable comme la plus bénie à dix lieues à la ronde. Elle était proprement et modestement vêtue : la blanche capeline, la jupe grise et le mantelet noir La jupe laissait voir la naissance du pied, un pied de Cendrillon, emprisonné dans de petits souliers en peau de chevreau. Dans ses cheveux, d’un blond cendré, se baignaient les derniers reflets du soleil couchant. D’une finesse exquise était le profil de son visage et dans ses yeux aussi purs que son âme, passait comme le reflet de l’aurore au moment où l’astre du jour va percer le voile qui en dérobe l’éclat.

Fidélia souriait à la vie avec toute l’illusion et la candeur de ses dix-huit ans.

Réné, le plus beau et le plus brave des garçons du village, le visage penché sur celui de son amie, semblait ravi en extase comme un mortel devant un être surnaturel.