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MOSAÏQUE

L’amoureux s’enquit discrètement où vivait celle qu’il adorait avant même d’avoir connu son nom. Avec cette âpre et fiévreuse curiosité que fait mousser un amour délirant, qui veut coûte que coûte arriver à ses fins, il sut tout.

Il apprit que Lucie était une enfant adorable, qu’elle était la fille du médecin du village, et que son cœur et son corps étaient vierges. Si elle ne dédaignait pas de se mêler aux fermiers de son père, c’était, non forcée par la cruelle nécessité, mais pour faire droit à la vie qui débordait chez elle.

Réginald n’avait plus rien à découvrir, il ne lui restait plus qu’à dominer sur ce cœur qu’il savait bon, qu’à posséder ce corps qu’il soupçonnait vierge et beau.

Quelle ivresse, pour le cœur égoïste de l’homme, que de se dire : « Jamais cette femme n’a aimé d’autre homme que moi ; les cordes de son cœur n’ont jamais vibré qu’aux échos de ma voix ; jamais sa poitrine ne s’est soulevée plus vite qu’en entendant mes paroles d’amour ; cette chair blanche et rose n’a jamais frissonné dans d’autres bras que les miens ».

Il n’attendit plus que l’occasion de connaître plus intimement, de se rapprocher de plus près de cette ravissante créature, qui lui paraissait un être supérieur.

Et le soir, avant de se jeter sur son lit qu’il trouva bien grand, il alla à sa fenêtre et envoya à travers les