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MOSAÏQUE

les modestes monuments de bois peint et les sévères croix noires. C’était le cimetière, qui semblait se faire aussi humble que possible pour ne pas jeter de note discordante sur la gaieté franche et communicative de la nature. Le cimetière, même lorsque personne des nôtres n’y dort de son dernier sommeil, nous attire avec une force irrésistible.

Je m’aventurai donc à travers les allées sablonneuses et les plates-bandes fleuries de ce domaine de la mort.

Soudain, je m’arrêtai. À l’écart, abritée sous un saule pleureur, et, entourée d’une petite clôture en fer, se dessinait une pierre tombale avec l’inscription : « Ci-gît un ange qui a aimé et pleuré »

Cette épitaphe n’était pas banale. Je résolus d’en avoir l’explication. Justement, le curé du village s’en venait de mon côté, en lisant son bréviaire.

Mis au courant de ma curiosité, voici ce qu’il me raconta :

« Il y a deux ans, vivait, dans cette paroisse, la plus charmante enfant que l’on connût. Elle était bonne, belle, intelligente. Plusieurs fois, les gars du village, voire même les meilleurs partis, l’avaient demandée en mariage. Tous avaient été tour à tour poliment évincés, sous prétexte qu’elle était trop jeune, ne comptant pas encore dix-huit ans.

Un bon matin, ou plutôt un mauvais matin, nous arriva de Montréal, je ne sais par quel hasard, un