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FLORENCE

contre Dorilla. La jeune fille dit à Hubert en souriant malicieusement :

— Je crois que M. Turcobal succombe sous les émotions.

Les valseuses regagnent leurs sièges, Dorilla près d’Hubert.

Dorilla, avec sa vivacité habituelle d’enfant terrible, demande à brûle-pourpoint :

— Vous êtes journaliste, M. Rolette ?

— Oui, mademoiselle. Mais dites plutôt que je suis enfant de Bohême.

— Que ça doit être amusant, la vie d’écrivain !

— Ah oui ! très amusant. Aujourd’hui on nous juche sur le pinacle des honneurs, et demain on nous laisse choir au beau milieu du chemin, condamnés à manier le pic et la pelle ou à aller mourir derrière les noires murailles d’un hôpital. Journalistes, écrivains, flattons-nous les passions populaires ? on nous porte aux nues. Avons-nous le malheur et le courage de dire franchement la vérité aux peuples ? on nous conspue, on nous crache à la figure. Mais que le monde nous adule ou qu’il nous méprise, le résultat est à peu près le même, vu que le jugement du monde est le jugement d’un sot. Peu importe que nous vivions dans un grenier ou dans un castel, sous les combles aux poutres tapissées de toiles d’araignées ou sous les voûtes dorées et enluminées, pourvu que nous ayons une croûte de pain sec pour soutenir notre guenille de vie et une bûche pour reposer notre tête. Surtout recevons l’adversité en lui faisant des pieds de nez, et, après avoir vécu en hommes, sachons mourir en hommes. Enfin, mademoiselle, puisque tout dire il