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FLORENCE

Est-ce que le mineur qui aime bien son Dieu, sa patrie et sa famille, mais qui a le malheur d’avoir des souliers éculés et des pantalons troués et effrangés, n’est pas plus noble, avec son pic comme sceptre et les sueurs de son front comme diadème, que le roi crapuleux, avare et amolli, aux pieds des courtisanes enrubannées de sa cour ?

Le petit ouvrier chétif, les mains et le visage noircis de sueur et de fumée, qui peine sur son établi ou dans l’atmosphère lourde et suffocante d’une manufacture, mais dont le cœur ne craint rien tant que de faillir à l’honneur du drapeau de son pays ou de son Dieu, n’est-il pas plus admirable que le capitaliste honteux et rapace qui, paresseusement étendu dans son fauteuil, lit la hausse ou la baisse de la Bourse ?

Allons donc !

Un jour, Me Drusac, torturé par le démon de la cupidité, plaça, malgré les sages avis de sa femme, la plus grande partie de sa petite fortune dans une spéculation. Son avoir, dit-il, serait quintuplé, centuplé. Mais voilà ! Un crach formidable, écrasant, survint comme un coup de foudre. En un instant, écus, billets, espérances, tout fut anéanti. Et le notaire aussi.

Tombant dans un abattement profond, il se livra à l’ivrognerie, et déserta son étude pour les tavernes.

Emma Berteau, femme de Jean Drusac, voyant son mari manquer de courage, en eut pour lui. Elle ne s’arrêta pas, comme tant d’autres femmes dans des situations malheureuses, à accabler son mari de reproches. Elle chercha de l’ouvrage.

Jusque-là, elle avait vécu dans une richesse relative. La jeune femme n’avait jamais tiré l’aiguille que par